Né en 1969 à Cotonou, Dominique Zinkpè est un artiste autodidacte et polyvalent qui réalise dessins, peintures, sculptures et installations. Artiste engagé, il œuvre depuis plus de dix ans pour le développement de la création contemporaine au Bénin et en Afrique ; c’est dans ce cadre qu’il a notamment collaboré avec AAD dans le cadre du projet « Les Belles Bibliothèques du Bénin ». Rencontre avec celui qui est aujourd’hui membre du jury des Jeux de la Francophonie.
Dominique Zinkpè, bonjour. Tout d’abord, en quoi exactement consiste votre rôle de membre du jury des Jeux de la Francophonie ? Et comment avez-vous rejoint ce projet ?
J’ai été invité par l’équipe des Jeux de la Francophonie pour prendre part au jury d’arts plastiques. En effet, chaque discipline représentée ici a son propre jury. Le nôtre est donc chargé de juger et départager une trentaine d’artistes plasticiens, âgés d’entre 15 et 35 ans et tous, bien évidemment, issus de pays francophones. L’intérêt est de côtoyer ces artistes qui ont déjà joué un rôle culturel important dans leurs pays d’origine : ils sont tous « artistiquement engagés ».
En ce qui concerne leur participation aux Jeux, elle se fait en plusieurs étapes : une exposition d’ouverture tout d’abord, reprenant les œuvres via lesquelles les artistes ont été sélectionnés, puis un atelier de création où ils doivent, en un temps limité, créer une œuvre sur place. Ce travail en atelier nous permet à nous, membres du jury, de vraiment observer et s’immiscer dans leur processus de création, comprendre leur discours et leur esthétique.
La participation de ces jeunes artistes aux Jeux est-elle un gage de reconnaissance de leur travail ?
Certainement. Une reconnaissance indirecte du moins. En effet, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui est un label reconnu et respecté, accroît considérablement leur visibilité et leur légitimité. Outre une meilleure diffusion de leur œuvre, cela leur permet d’être officiellement et internationalement répertoriés en tant qu’artistes. Et cela ouvre un nombre considérable de portes, d’autant plus que l’OIF exerce un vrai suivi envers les artistes qu’elle soutient.
C’est une spirale positive qui se met en place : ces artistes, impliqués dans leur pays respectif, reçoivent le soutien de l’OIF, ce qui leur permet en retour de redoubler d’efforts par la suite. C’est aussi pour nous, membres du jury, un excellent moyen pour repérer de jeunes talents, à qui l’on peut ensuite proposer des collaborations, résidences,…
Un des objectifs annoncés de ces Jeux est de soutenir le développement dans les pays du Sud, notamment en Afrique. Les éditions sont donc organisées en alternance dans un pays du Nord et un pays du Sud. Quel est selon-vous l’impact de cet événement sur le développement en Afrique ?
L’impact existe, même s’il est lui aussi quelque peu indirect quand l’édition est organisée dans un pays du Nord. Mais je trouve cette idée d’alternance intéressante et constructive. Et puis il faut rappeler que toutes les villes du Sud, notamment en Afrique, n’ont pas la capacité d’accueil et d’infrastructures pour une telle manifestation.
Que pensez-vous du choix de la ville de Nice pour organiser l’événement cette année ? Cette dimension de « trait d’union » entre la France et l’Afrique, entre le Nord et le Sud est quelque chose d’important pour vous ?
Oui, tout à fait. Nice est un excellent choix, tant culturellement que pour des raisons plus prosaïques d’équipement et de climat. Les conditions sont idéales pour organiser un tel événement. Et il est vrai que l’on sent une grande volonté politique de faciliter les choses.
La « Francophonie » est ce qui rassemble tous ces artistes, sportifs, officiels et ce public venu nombreux. Qu’est-ce que cela signifie pour vous, la « Francophonie » ? Est-ce une notion toujours importante ?
Oui, je crois qu’elle est fondamentale. Vous savez, dans beaucoup de pays d’Afrique, le français est la première langue que l’on apprend après la langue maternelle. C’est la langue de l’apprentissage, de l’épanouissement. On réfléchit en français. Donc ce rassemblement autour d’une valeur aussi forte et transcendante que cette langue que nous partageons tous me paraît important.
Qu’avez-vous pensé de la cérémonie d’ouverture, qui a eu lieu le 7 septembre dernier sur la place Masséna ?
Ce qui m’a le plus marqué, outre le très beau spectacle proposé, c’est la forte présence des chefs d’Etat et officiels africains, à l’égal de leurs homologues occidentaux. Cela illustre bien le fait que tous les pays impliqués dans cette compétition ont participé de la même manière. C’est un vrai et beau travail de coopération entre pays du Nord et pays du Sud.
Cette coopération permet-elle un vrai respect du continent Africain ?
Oui, ce dialogue équilibré entre les nations permet un respect mutuel entre les cultures. Les Jeux de la Francophonie, et la Francophonie dans son ensemble, deviennent le rendez-vous incontournable de ce rapprochement entre les peuples.
Vous êtes très actif pour développer l’art dans votre pays. Vous considérez-vous comme un « militant » de l’art contemporain africain ?
Militant je ne sais pas, mais il est vrai que c’est un engagement que je porte et qui me tient profondément à cœur. Nos pays en Afrique ont besoin que des organisations culturelles accompagnent et soutiennent leur action. Les subventions accordées à la culture et à la création sont souvent minimes, il y a donc besoin d’un vrai relai des artistes sur le terrain, que ce soit en créant des écoles d’art, des résidences, des galeries…
Depuis dix ans, je suis très impliqué dans l’organisation de manifestations culturelles. J’ai également créé ma propre résidence d’artistes, le Lieu Unik, et récemment dirigé la deuxième édition de la biennale du Bénin en 2012. Cet engagement n’est ni révolutionnaire, ni politique, il est simplement nécessaire.
Vous êtes donc passé « de l’autre côté du tableau » si je puis dire ? Ou en tout cas, vous êtes des deux côtés.
Oui tout à fait. Au fur et à mesure de mes expériences je suis devenu capable de juger, de critiquer, d’organiser. Le projet de Bibliothèque à Cotonou, au Bénin, mené avec AAD, en est un exemple parfait. Et ça n’arrête pas en ce moment !
Mais à terme, ma volonté est de retourner à mon amour premier, l’art. Une fois que je sentirai que tous mes projets sont totalement lancés et qu’ils n’ont plus besoin de moi, je passerai le relai et me recentrerai uniquement sur mon art. Mais pour l’instant, je me dois – et le dois à mon pays – de répondre à ces besoins immédiats.
P.G
30 artistes, dont plus d’une dizaine d’artistes africains, étaient engagés dans l’épreuve de peinture dont Zinkpè était un des membres du jury. On retiendra notamment les œuvres du peintre et plasticien Ezéchiel MEHOME (Bénin), du sculpteur Aimé ENKOBO (RDC), du peintre Boubakary Mahamat BELLO (Tchad) ou encore de Léopold SEGUEDA (Burkina-Faso).